À l'EnDroit
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La Cour de cassation vient de poser clairement le principe du droit à réparation du salarié, dont le licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse, qui a perdu du fait de son licenciement, le droit d'acquérir des actions par levée de l'option d'achat ou de souscription qui lui était consentie.

(Cass. soc. n°1767 du 29 septembre 2004, X.c/ Société ETHICON)

En cassant partiellement l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles sur la question de l'existence ou non d'un droit à indemnisation du salarié pour perte de la possibilité de lever ses options, la Cour de cassation énonce :

« .
    Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manque à gagner sur les options d'actions, l'arrêt énonce, après avoir retenu que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, qu'aux termes des dispositions organisant le régime des « stocks options » dans l'entreprise, le droit de lever les « stocks options » était réservé aux salariés présents dans l'entreprise à la date où ces opérations étaient possibles, que le départ de l'entreprise pour une cause autre que le décès, la maladie, la retraite, fait perdre le droit de lever les options des actions en cours, passés les trois mois de la rupture, et que celle-ci intervenue, le salarié a perdu ses droits après que les droits sur les options a échéance de trois mois lui aient été réglés ;

    Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié n'avait pu, du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, lever les options sur titres et qu'il en était nécessairement résulté un préjudice qui devait être réparé , la Cour d'appel a violé les textes susvisés . »

Cette jurisprudence devrait logiquement, vue la similitude des mécanismes, s'appliquer aux bons de souscriptions de parts de créateurs d'entreprise (BSPCE).

Vu le caractère contractuel que la jurisprudence de la Cour de cassation paraît conférer au règlement de plan régissant (dans l'entreprise) ces options et le principe du droit à réparation visé ci-dessus, la construction juridique et la rédaction de tels plans devront être effectuées avec la plus grande précision possible sur les cas, conditions et conséquence de la déchéance de ces droits d'option pour le salarié.

Par ailleurs et pour ce qui concerne les conséquences du droit à réparation reconnu, il convient réellement de s'interroger sur sa portée pratique, en particulier lorsque l'action de la société en cause ne bénéficie pas d'un mécanisme spécifique de liquidité (soit parce que l'action n'est pas admise à la négociation sur un marché boursier, soit parce qu'il n'a pas été institué de mécanisme contractuel ou sociétaire de rachat d'actions par la société ou par un groupe d'actionnaires).

Dans ce cas (lequel concerne la grande majorité des entreprises), comment et sur quelles bases objectives et réelles, valoriser le préjudice du salarié (licencié sans cause réelle et sérieuse) privé du droit d'acquérir des actions de son employeur ?

En effet, si l'on se réfère à la notion de préjudice pour le salarié, c'est que ce dernier perd un droit ou une valeur.

Il conviendra alors d'apprécier les diverses et hypothétiques «  chances  » quant à l'évolution (par nature incertaine et a fortiori difficilement quantifiable) de la valeur future de l'action acquise.

Si une première plus value (réalisation d'une économie sur le prix) peut être réalisée à l'achat de l'action (prix de levée de l'option à la souscription de l'action inférieur à la valeur réelle de l'action à cette même date), il ne peut pas être ignoré que celle que le salarié espère et attend est celle résultant de la vente de son action (prix de vente - prix d'achat de l'action résultant de la levée de l'option).

Lorsque le débat se portera sur le quantum de l'indemnisation du salarié, les juristes s'épuiseront en conjectures et présenteront aux juridictions saisies des formules arithmétiques de calcul de ce préjudice du salarié, lesquelles comporteront très certainement d'importantes variables inconnues ou très difficilement appréciables de manière objective.

Cela sera particulièrement le cas lorsque aucune cession de gré à gré des actions ne sera intervenue entre la date du licenciement du salarié et la date à laquelle se prononce le juge.

Dans ce dernier cas en particulier, comment le salarié aurait-il pu réaliser une plus-value puisque, par hypothèse, aucune cession d'actions n'aura été constatée dans l'intervalle ?

Par ailleurs et quand bien même une ou plusieurs cessions seraient intervenues dans l'intervalle, le salarié aurait-il été vendeur de ses actions ?

Le prix dans une cession résulte d'un accord entre l'acheteur et le vendeur.

Ce prix ne se concrétise pas toujours par la réalisation d'un gain ; or, l'arrêt de la Cour de cassation semble oublier la notion intrinsèque de risque (en particulier sur l'évolution dans le temps de la valeur de l'action) que comporte la qualité d'actionnaire.

Cette jurisprudence, qui peut être critiquable dans son principe, posera de manière certaine de réelles et objectives difficultés juridiques de mise en ouvre. Si les juridictions de fond se replient, ce qui est très vraisemblable, sur l'indemnisation de la perte d'une chance, le principe du droit à réparation au bénéfice du salarié ne sera pas nécessairement un eldorado financier.
BC