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La taxe de 3% est-elle compatible avec les normes européennes ?

Aux termes des dispositions de l'art. 990 D et s. du CGI, les personnes morales et entités étrangères détenant directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une chaîne de participations, des immeubles en France sont en principe redevables d'une taxe annuelle égale à 3 % de leur valeur vénale.

Ladite taxe concerne les entités étrangères dont la valeur vénale des biens sis en France, non affectés à une activité professionnelle autre qu'immobilière (parmi lesquels figurent, selon l'administration fiscale, les stocks immobiliers des sociétés de construction vente ou des sociétés exerçant une activité de marchands de biens) représente plus de 50% de l'ensemble des actifs français (prépondérance immobilière).

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Cette taxe, instituée par l'article 4-II de la loi 82-1126 du 29 décembre 1982 a été remaniée à deux reprises par l'article 105 de la loi 89-935 du 29 décembre 1989 puis par l'article 29 de la loi 92-1376 du 30 décembre 1992, notamment pour faire échec à la jurisprudence de la Cour de Cassation résultant de plusieurs arrêts rendus en faveur de sociétés suisses détenant directement des immeubles en France, qui avait considérée la taxe contraire au principe d'égalité de traitement contenu dans la convention bilatérale de non double imposition (1).

La taxe de 3% est destinée à éviter une évasion en matière d'impôt de solidarité sur la fortune par le biais de montages faisant intervenir des personnes morales étrangères interposées (2).

Le Conseil Constitutionnel, saisi de cette disposition, précisait :

« Considérant que l'institution de la taxe forfaitaire de 3% sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales n'y ayant pas leur siège social tend , dans l'intention du législateur , à dissuader les contribuables assujettis initialement à l'impôt sur les grandes fortunes et présentement à l'impôt de solidarité sur la fortune d'échapper à une telle imposition en créant, dans les États n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscale, des sociétés qui deviennent propriétaires d'immeubles situés en France  ; qu'eu égard à l'objectif ainsi poursuivi le législateur a pu, sans méconnaître ni l'article 13 ni l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme, fixer le taux de la taxe mentionnée à l'article 990 D du CGI à 3%, alors même que le taux de l'impôt de solidarité sur la fortune est au maximum de 1,5% et retenir pour assiette de cette taxe la valeur vénale des immeubles possédés en France par les sociétés n'y ayant pas leur siège social, sous la seule réserve des exemptions énoncées à l'article 990 E du Code précité et sans prévoir une possibilité de déduction du passif »

(CC Décision n° 89-268 du 29/12/89, n° 78)

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Sous réserve de remplir un certain nombre de formalités principalement destinées à permettre à l'administration fiscale de connaître la consistance des biens immobiliers sis en France ainsi que l'identité et l'adresse des associés des entités étrangères concernées, celles ci peuvent être exonérées de ladite taxe, notamment dans les cas suivants ;

  • Lorsque leur siège est situé dans un pays ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative (échange de renseignements) en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales (art. 990 E 2 du CGI),
  • Lorsqu'elles bénéficient, en vertu d'un traité, d'une clause d'égalité de traitement (art. 990 E 3 du CGI)

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La Cour de Cassation, saisie par une société de droit Luxembourgeois, vient de renvoyer à l'examen du litige par la Cour de Justice des Communautés Européennes par voie de questions préjudicielles (Cass. Com. 13 décembre 2005 n° 1673 FS-P+B, SA Elisa/DGI).

Le litige est relatif au cas des sociétés holdings Luxembourgeoises dites « de 29 », lesquelles bénéficient d'un régime fiscal privilégié, et qui, de ce fait, sont écartées du champ d'application de la convention bilatérale de non double imposition du 1 er avril 1958 conclue par les autorités Françaises et Luxembourgeoises.

Ce qui conduit l'administration fiscale à en conclure que les dites sociétés holdings ne peuvent bénéficier des mesures d'exonération prévues par les articles 990 E 2 et 3 du CGI.

En premier lieu, la SA Elisa invoquait l'incompatibilité des dispositions des arts. 990 D et suivants au regard des principes de droit communautaire de liberté d'établissement et de circulation des capitaux.

En second lieu, elle invoquait le bénéfice des dispositions de l'art. 990 E 2, arguant de l'existence de la directive Européenne du 19 décembre 1977 prévoyant l'échange de renseignement entre les Etats membres, notamment en matière d'impôt sur la fortune, auquel elle assimile la taxe de 3%, l'administration contestant pour sa part cette assimilation et, revendiquant au demeurant le droit de méconnaître les dispositions de ladite directive au profit de la seule convention bilatérale.

En troisième lieu, elle invoquait le bénéfice des dispositions de l'art. 990 E 3, arguant du principe d'égalité de traitement découlant du droit communautaire ainsi que de la clause de la nation la plus favorisée contenue dans l'accord d'établissement Franco Luxembourgeois du 31 mars 1930 , lesquels interdisent selon elle, de faire supporter à une personne morale ayant son siège dans un Etat membre une imposition plus lourde que celle supportée par une personne morale nationale placée dans une situation identique.

De telles problématiques ont déjà été examinées par les juridictions inférieures et notamment par la Cour d'Appel de Paris, laquelle a jugé, de manière qui semble contestable, que ;

  • Une société qui n'a pas son siège social en France mais au Luxembourg ne peut pas se prévaloir d'une violation du principe de liberté d'établissement par les articles 990 D et suivants du CGI.

CA Paris 4 juillet 2002 n° 01-2344, 1 e ch. sect. B, SA Mediterranean and Pacific Luxembourg Finance Company : RJF 11/03 n° 1323

  • Une société holding luxembourgeoise ne peut revendiquer le bénéfice des arts. 990 E 2 et 3, dès lors, d'une part qu'elle est écartée du champ d'application de la convention bilatérale du 1 er avril 1958, et d'autre part, que les dispositions de la directive du 19 décembre 1977 prévoyant l'échange d'informations entre les Etats membres n'excluent ni ne peuvent se substituer à l'application de la convention bilatérale.

CA Paris 5 juillet 2001, 1ère ch. sect. B, SA Elisa.

La Cour de Justice des Communautés Européennes aura à se prononcer sur les questions suivantes ;

•  La taxe de 3% est elle contraire aux principes de liberté d'établissement et liberté de circulation des capitaux (résultant des art. 52 et s. et 73 B et s. du Traité CE), dès lors qu'elle est susceptible de s'appliquer à des personnes morales qui ont leur siège dans un Etat membre, par ailleurs non couvertes par les dispositions des art. 990 E 2 et 990 E 3 du CGI, telles que les sociétés holding luxembourgeoises dites « de 29 ».

•  A supposer que la taxe de 3% soit restrictive des principes sus énoncés, une telle restriction est elle justifiée par l'objectif de lutte contre l'évasion et la fraude fiscale en matière d'impôt sur la fortune,

•  A supposer qu'une telle restriction soit justifiée par lesdits objectifs poursuivis, les dispositions de l'art. 990 E 2 qui subordonnent l'octroi de l'exonération à l'existence d'une convention bilatérale comportant une clause d'assistance administrative, ne vont-elles pas au delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre, dès lors que la taxe de 3% pourrait être considérée comme un impôt sur la fortune au sens de la directive du Conseil du 19 décembre 1977 qui prévoit l'assistance mutuelle entre les Etats membres en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

•  Les principes de liberté d'établissement et de circulation des capitaux doivent ils s'interpréter comme garantissant l'égalité de traitement au profit de tous les nationaux de chacun des Etats membres, de telle sorte que tout Etat membre ayant conclu un convention comportant une clause de non discrimination, même avec un Etat non membre de l'Union Européenne, serait tenu d'en faire bénéficier toute personne morale ayant son siège dans un Etat membre, même non lié à la France par une telle clause contenue dans la convention bilatérale, rendant ainsi inopposable les dispositions de l'art. 990 E 3.

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On attendra avec impatience les réponses qui seront apportées par la CJCE aux questions posées, lesquelles ont trait non seulement à la validité de la taxe de 3% appliquée à des personnes morales de droit Européen, mais aussi à la hiérarchie et aux interactions entre le droit communautaire et les traités bilatéraux.

(1) Cass. com. 28 février 1989 n° 328 P, Anglo Swiss Land and Building : RJF 4/89 n° 524 ; Cass. com. 24 mars 1992 n° 571 P, Sté Thifab : RJF 6/92 n° 910 et Cass. com. 24 mai 1994 n° 1267 D, Sté Sogipo : RJF 8-9/94 n° 1000).

Le rapporteur général de la loi 92-1376 du 30 décembre 1992 indiquait ; « cela a donné lieu à une formule de compensation, qui a consisté à instaurer à la charge des personnes morales étrangères propriétaires de tels biens un impôt forfaitaire d'un taux plus élevé que l'impôt sur la fortune, afin que la dissuasion (concernant l'évasion fiscale) soit complète ».

 
J.-C. R.